Jean-François Revel

Lettre après la mort de Luis Buñuel

De début 1950 à la fin 1952, Revel enseigne au lycée français et à l’Institut français de Mexico. Il tirera de cette expérience un article, “Démocratie mexicaine“, publié sous le pseudonyme de Jacques Séverin dans la revue Esprit en mai 1952, où il s’en prend au mythe d’un pays progressiste qui pourrait servir de modèle aux anciennes colonies. Avec une étonnante lucidité, Revel montre qu’en fait le Mexique est une dictature corrompue et pétrie de nationalisme.

Durant son séjour, il rencontre Luis Buñuel. Le cinéaste espagnol et le jeune prof français exilé se nouent d’amitié à la suite de la création par Revel d’un ciné-club. Buñuel n’est pas le seul artiste illustre que Revel fréquente au Mexique. Dans son autobiographie, il dit au détour d’une phrase y avoir connu la peintre Leonora Carrington, qu’il qualifie de “proche amie”! (Merci à Jacques pour la trouvaille et Henri pour la description)

Chère Françoise,
Vous m’apprenez que Luis nous a quittés. Ce chagrin m’a replongé dans la profondeur et la gaieté des souvenirs de ma jeunesse mexicaine. Il fut à Mexico mon ami le plus proche, mon complice, mon soutien dans un dédale culturel où il était souvent difficile à un Français de se retrouver. Ses connaissances si vastes et si personnelles, dans la musique, le théâtre, la peinture d’Espagne, du Mexique et de France, nous entraînaient à des heures de conversation.

Que de bières “carta blanca” nous éclusâmes ensemble avant que Chirac ne découvre cette excellente boisson mexicaine, que de bons “cocidos madrilenos” nous prépara sa maman, cependant que je m’entretiens avec son père, l’Amiral. Et qu’est devenu son frère Antonio, magnifique acteur, vit-il encore? Votre JFR