Lettre ouverte à la droite
Quatrième de couverture
L’opposition entre la gauche et la droite, dit-on souvent, est périmée. Cette affirmation méconnaît une réalité inquiétante: on voit se multiplier partout dans le monde des gouvernements de droite qui usent d’une phraséologie de gauche. Malgré quelques légers reculs provisoires dus à des défaites militaires ou à des insurrections, la droite a progressé presque partout sur la planète au cours de ce siècle.
Les neuf dixièmes de l’humanité sont gouvernés aujourd’hui par des pouvoirs non-démocratiques. Dans les sociétés à tradition démocratique même, on note une dégénérescence des contrôles, une évolution de plus en plus marquée vers l’autoritarisme.
On entend souvent justifier cette évolution par la complexité des problèmes économiques et technologiques inhérents aux sociétés modernes. Ne peut-on penser au contraire que c’est la chose politique en tant que telle qui est en retard par rapport à l’économie, à la science, à la technique? L’Etat est demeuré partout archaïque au sein d’une humanité en train d’affronter les plus grandes responsabilités, de manipuler les plus grands moyens d’action qu’elle ait connus.
En raison de son manque de maturation, la vie politique attire à elle un type d’hommes persuadés que l’art de gouverner est toujours fait de ruse, de mensonge et repose sur le prestige et la violence. Depuis cent ans, on a surtout étudié le destin des sociétés en fonction de leur économie et de leur technologie.Peut-être faudrait-il revenir maintenant à la réflexion politique elle-même, arracher le fait politique à son infantilisme, qui est sans doute le mysérieux « sabot de Denver » en train de bloquer l’évolution du monde moderne, cause de son immense et paradoxal glissement vers la droite?
Jean-François Revel