On entend souvent justifier cette évolution par la complexité des problèmes économiques et technologiques inhérents aux sociétés modernes. Ne peut-on penser au contraire que c’est la chose politique en tant que telle qui est en retard par rapport à l’économie, à la science, à la technique? L’Etat est demeuré partout archaïque au sein d’une humanité en train d’affronter les plus grandes responsabilités, de manipuler les plus grands moyens d’action qu’elle ait connus.
En raison de son manque de maturation, la vie politique attire à elle un type d’hommes persuadés que l’art de gouverner est toujours fait de ruse, de mensonge et repose sur le prestige et la violence. Depuis cent ans, on a surtout étudié le destin des sociétés en fonction de leur économie et de leur technologie.Peut-être faudrait-il revenir maintenant à la réflexion politique elle-même, arracher le fait politique à son infantilisme, qui est sans doute le mysérieux « sabot de Denver » en train de bloquer l’évolution du monde moderne, cause de son immense et paradoxal glissement vers la droite?
Jean-François Revel