Hommage par Franz-Olivier Giesbert
A nos lecteurs
Le Point, le 4 mai 2006De Jean-François Revel, c’est d’abord le rire qui va nous manquer. Une vacherie ou un trait d’humour, et puis ça partait. La vanité tue souvent très jeunes les intellectuels ou prétendus tels. Mais cet encyclopédiste curieux de tout ne s’était jamais laissé étouffer par l’esprit de sérieux. Il doutait de tout et en même temps de rien.
C’était à la fois Prométhée et Sisyphe, Jean-François. Un journaliste-philosophe-écrivain-gastronome-aficionado-pamphlétaire et on en passe, ainsi qu’un insoumis permanent, toujours en guerre contre les imposteurs de la “bien-pensance”, les perroquets de la moraline et les suivistes de la “moutonnaille”, pour reprendre le mot de Rabelais, auquel il faisait irrésistiblement penser.
Jean-François ne pensait pas bien, c’est vrai. Ce qui explique pourquoi il n’a pas toujours été reconnu à sa juste valeur, celle d’un des grands intellectuels du XXe siècle, au même titre – je pèse mes mots – qu’Albert Camus, Jean-Paul Sartre ou Raymond Aron, auteur de nombreux classiques qu’il faut lire ou relire : “Pourquoi des philosophes”, “Sur Proust”, “La cabale des dévots”, l'” Histoire de la philosophie occidentale” ou “La tentation totalitaire”. Sans parler de ses Mémoires, “Le voleur dans la maison vide”.
Au Point, on était tous très fiers de travailler avec un homme comme ça et on le restera, car il ne nous a pas quittés, Jean-François. Ces gens-là ne partent jamais. Ses rires, ses saillies et ses analyses n’ont pas fini de retentir dans les couloirs du journal.
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